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Et Ibrahim prend son envol

26/01/2023
Ibrahim, ancien résident du Refuge, nous raconte comment son expérience de bénévolat à la Banque alimentaire de Mouscron lui a donné des ailes.

Le mystère et la richesse du monde de la vie quotidienne sont inégalables. Et les conditions pour y accéder sont le détachement, l’amour mais également le don de soi écrivait l’anthropologue Carlos Castaneda. Et bien que son ouvrage « Les mérites de la vie » ne soit pas encore tombé entre les mains d’Ibrahim, il semble déjà pourtant qu’il en applique soigneusement les principes à ses mouvements quotidiens.

Le temps long

Arrivé en Belgique en 2018, la première demande de protection internationale d’Ibrahim n’aboutit pas. C’est le choc, l’incompréhension. Des détails ont dû être oubliés, des documents ont dû se perdre en chemin. Le néo-mouscronnois entame alors une seconde procédure afin de rectifier le tir. Malheureusement, son droit au travail ne lui est pas réitéré. Il va devoir attendre. Passivement cette fois. Il tente alors de se montrer utile tant qu’il peut au sein du Centre : travail communautaire, traducteur occasionnel pour les collègues arabophones, un coup de main par-ci, un coup de main par-là. Deux mois plus tard, son besoin d’être utile – plus concrètement - lui fait pousser la porte du bureau de Mouâd : Qu’est-ce je peux faire pour aider les gens à l’extérieur ?

Se rendre utile

Deux jours plus tard, Ibrahim est assis côté passager, direction la Banque alimentaire. Il appréhende cette première rencontre car il ne comprend que très peu le français. Un stress qui s’évanouit aussitôt qu’il pénètre dans l’entrepôt. Le lieu est froid mais la chaleur des collègues le gagne. La démarche d’Ibrahim était unique pour nous. Il est arrivé motivé et déterminé. Un profil génial. Dans sa situation, avec la barrière de la langue, des nouveaux codes culturels, je ne suis pas sûr que j’aurais osé me lancer raconte Jacques, le responsable de l’Antenne mouscronnoise de la Banque alimentaire.

La pause-café

Ibrahim ne ménage pas ses efforts. Noé, un collègue bénévole, relate qu’il s’est tout de suite intégré dans le travail, dans le système mais plus encore dans l’équipe. Une prouesse en soi, sachant que la majorité des collègues sont des retraité.es. Et Ibrahim de préciser que la pause-café, bien plus que le travail, m’a permis de créer des liens avec les autres bénévoles. Au fur et à mesure, les collègues sont devenu.es une seconde famille. C’est bon de se sentir appartenir à un groupe ainsi, ça m’ancre. Et grâce à ça, j’ai aussi pu progresser en français.  

La délivrance

Janvier 2022. Une lettre du CGRA adressée à Ibrahim atterrit sur le bureau de la coordination du Refuge. Evelyn, collègue-bénévole, l’emmène sur le temps de midi la récupérer. L’enveloppe est fine. Il l’ouvre calmement, en déplie la lettre délicatement. La réponse est celle qui l’espérait. Ibrahim vient d’obtenir le statut de réfugié.

Deux mois plus tard, Jacques lui propose alors de l’engager sous statut Article 60, un contrat d’une année. C’était une aubaine pour nous et c’est nous qui avons insisté pour qui l’accepte. Toute l’équipe s’est alors mobilisée pour l’aider à trouver un logement, le meubler. Il est devenu un membre à part entière de l’équipe. Et son futur départ (en mars) va nous coûter beaucoup. Professionnellement mais surtout humainement. Il nous manquera beaucoup. Mais quand on regarde en arrière, il peut être très fier du chemin qu’il a parcouru.