
Nous allons vous raconter ici l’histoire d’Alaa Al-Dali, un jeune athlète palestinien qui, malgré la guerre et la perte d’une jambe, n’a jamais cessé de croire en son rêve. Il réside actuellement au centre Fedasil Bordet, où il a accepté de nous parler du long voyage qui l’a amené jusqu’ici…
SON HISTOIRE
Alaa Al-Dali est né à Rafah le 20 août 1997. Durant son enfance, il a connu la misère et les sacrifices, mais aussi la passion pour un grand sport : le cyclisme. En selle sur son vélo, le jeune Alaa a conquis plusieurs podiums, passant du succès dans les compétitions scolaires à la victoire en première place dans la catégorie junior. Mais alors qu’il s’entraînait intensément pour participer au championnat asiatique prévu à Jakarta en 2018, cette même année, il fut victime d’un incident qui allait changer sa vie à jamais.
Le 30 mars 2018, alors qu’il participait à une manifestation pacifique contre l’occupation israélienne, vêtu de son uniforme de course et à vélo – qu’il portait pour représenter son pays dans les compétitions sportives devant le monde entier –, il fut touché par une balle à la jambe. Alaa raconte cet événement comme un cauchemar éveillé, espérant jusqu’au bout qu’il ne s’agissait pas de la réalité, avant de devoir y faire face.
Après s’être réveillé du coma et avoir passé les jours suivants à l’hôpital, tentant désespérément divers traitements, la décision fut finalement prise : la jambe blessée devait être amputée. Aucun mot ne suffit à décrire la frustration d’Alaa lorsqu’il a dû renoncer à son grand rêve : représenter la Palestine dans une compétition internationale. Il se sentait perdu et désespéré. Mais peu à peu, sa santé commence à s’améliorer, et avec elle renaît son envie de remonter sur un vélo.
Cependant, explique Alaa, à cette époque, il paraissait absurde à Gaza de faire du vélo avec une seule jambe. Personne ne le faisait, il n’y avait ni club dédié ni entraîneur pour des athlètes parasportifs. Pourtant, sa détermination surpassait tous les refus qu’il recevait autour de lui. Elle allait au-delà des conditions de vie difficiles et des inquiétudes de ses proches qui lui demandaient de ne pas poursuivre. Alaa était résolu à recommencer à rêver, à faire du sport, et à reprendre sa vie en main, avec tout ce qu’il avait perdu. Il a donc appris, pour la seconde fois, à faire du vélo, à tomber, à se relever, retrouvant un nouvel équilibre.
Mais ce n’est pas tout : il a redonné espoir à de nombreux jeunes comme lui, des cyclistes qui, après avoir perdu une jambe, voyaient leurs rêves s’évanouir. Alaa s’est engagé pour que d’autres personnes ayant connu un profond découragement retrouvent la force de vivre leur propre vie. Il a commencé à les encourager et à leur apprendre une nouvelle façon de faire du vélo. C’est ainsi qu’en 2020 est née leur équipe, qui a obtenu la reconnaissance internationale comme Fédération palestinienne de paracyclisme. Partis de seulement 25 athlètes, plus de 200 cyclistes les ont rejoints. Ils ont décidé de s’appeler les Sunbirds, comme ces oiseaux libres de voler à travers le monde, sans barrières ni restrictions.
APRÈS L’ACCIDENT, UNE RENAISSANCE : LES SUNBIRDS
Ensemble, les Sunbirds ont été la force les uns des autres, se soutenant mutuellement et promouvant la solidarité à travers le sport. Ils ont redonné espoir et envie de vivre à de nombreux concitoyens plongés dans l’horreur de la guerre. Leur objectif était de s’entraîner et de représenter leur pays dans des compétitions internationales. Mais lorsque le conflit est devenu encore plus violent en 2023, ils n’ont pas hésité à associer à leur activité sportive une aide matérielle, afin de soutenir tous les Palestiniens dans le besoin.
C’est ainsi qu’est né le Gaza Sunbirds Truck, pour distribuer de la nourriture et des biens de première nécessité aux familles et aux déplacés de Gaza. Grâce à leur courage et à leur détermination, ils ont mené à bien une initiative grandiose, et, grâce aux dons récoltés, ils ont nourri plus de 200 000 personnes. Leur objectif n’était pas simplement de gagner des courses, mais de toucher les cœurs, de faire en sorte que les gens se sentent unis et fiers de faire partie d’un groupe.
C’est aussi pour cette raison qu’en avril 2024, Alaa a dû prendre une décision importante et difficile : quitter sa famille, ses amis et son pays pour représenter la Palestine au Championnat mondial de Zurich. C’est ainsi que commence le long voyage d’Alaa, d’un garçon avec un vélo et des rêves plein le cœur à un homme qui a combattu et continue de se battre pour réaliser ces rêves, en connaissant le prix à payer.
Alaa a connu la peur d’entreprendre un long voyage, la frustration de devoir s’adapter à de nouvelles situations, l’angoisse de ne pas décevoir ceux qui sont restés à Gaza et qui lui ont fait confiance, mais surtout l’immense douleur d’abandonner sa femme et ses enfants dans un pays en guerre, sans savoir quand il pourrait les revoir. Il a fait tout cela parce qu’il a un objectif à accomplir, parce que c’est sa façon de lutter pour sa liberté et pour ses proches.
Et en effet, depuis son départ, il ne s’est jamais arrêté : il a participé à de nombreuses compétitions internationales, parmi lesquelles le Championnat d’Ostende, le championnat asiatique au Kazakhstan, le Giro d’Italia et le Championnat du monde en Suisse, où il a terminé à la 16e place. Actuellement, il continue de s’entraîner intensément pour participer aux prochains championnats, qui se tiendront en Estonie et en Belgique.
AUJOURD’HUI
Aujourd’hui, Alaa se trouve à Bruxelles, au centre Fedasil Bordet, où il espère obtenir le statut de réfugié pour pouvoir participer à d’autres compétitions mondiales et, enfin, réunir toute sa famille.
Mais l’histoire d’Alaa et des Sunbirds n’est pas seulement une belle histoire : elle est tournée vers l’avenir. De la représentation de leur pays dans les compétitions cyclistes internationales à la distribution d’aides matérielles à Gaza, ils sont toujours aux côtés et au service de leurs concitoyens.
Rien qu’en 2024, ils ont participé à six compétitions et remporté trois trophées, entrant dans l’histoire comme la première équipe palestinienne de paracyclisme à concourir à l’international. Ils ont réparé plus de 20 vélos, distribué plus de 15 000 aides alimentaires et fourni 225 abris aux familles les plus démunies.
Ils prévoient de participer à d’autres compétitions mondiales et d’unir sous la bannière des Sunbirds d’autres athlètes, pas seulement des cyclistes, pour permettre à chaque personne en situation de handicap de poursuivre sa passion et de réaliser ses rêves. Ils veulent leur prouver que le handicap n’est pas la fin de leur histoire, qu’il y a une vie après un accident, et que cette vie peut encore être pleine et vécue intensément.
« J’ai rêvé de devenir un champion avec mes deux jambes. Après mon amputation, je suis devenu déterminé à être un champion pour la Palestine, avec une seule. »
— Alaa Al-Dali, capitaine de l’équipe Gaza Sunbirds.